Va voir là-bas si j’y suis !

Musée national de l’histoire de l’immigration / chor. Thierry Thieû Niang

Thierry Thieû Niang a le sens de la rencontre : en témoigne cette création au Musée de l’histoire de l’immigration dans le cadre du festival Visions d’exil / l’atelier des artistes en exil, et de l’exposition Persona non grata.

« Je travaille avec dix artistes exilés, d’abord repérés par différentes associations et par l’Atelier des artistes en exil qui accueille une centaine de musiciens, plasticiens, écrivains… Tous les matins, ils prennent des cours de français, et il y a des avocats qui les aident dans leurs démarches. Il y a aussi toute une solidarité du milieu artistique pour qu’ils puissent, l’après-midi, continuer à travailler leur métier, dans des écoles d’art, des conservatoires, des associations. Pour qu’ils soient – comme avec moi pour ces jeunes danseurs – accompagnés dans un processus professionnel. Très vite, je me suis rendu compte qu’il ne fallait pas que je les laisse entre eux, parce qu’ils le sont tout le temps. Ils sont avant tout des danseurs, venant de différents pays, de l’Ukraine à la Syrie, en passant par le Mali, le Burkina Faso, l’Égypte, avec des danses très différentes. Je suis au cœur de cette aventure et c’est comme si c’était moi l’étranger. Je me retrouve en tant que danseur et chorégraphe, connaisseur de l’histoire de la danse et de l’art, à chercher des points de vue, des dramaturgies, des centres de travail, pour trouver à un moment donné un geste commun. Un geste poétique qui rassemble et en même temps laisse la singularité de chacun.

- Raconter quelque chose de l’universalité

Dans le processus, j’ai donc eu envie d’inviter d’autres artistes professionnels, reconnus comme Anne Alvaro, ou qui le sont moins, comme le danseur Lucien Morineau dont je suis le parrain artistique. Je me suis demandé ce qui pouvait les relier de façon sensible, et j’ai eu le souvenir des enfants de Saint-Denis avec qui j’ai beaucoup travaillé, dont certains sont enfants ou petits-enfants de migrants. Leur présence a été magique parce qu’elle a, non pas unifié, mais lié les danses entre elles, là où j’étais encore en question pour ne pas faire un catalogue où chacun aurait son solo particulier. Comment raconter quelque chose de l’universalité, du décloisonnement, de la déculpabilisation par rapport à la culture institutionnelle, française ? L’idée est de démêler tout ça pour que ce soit un instant joyeux, qui questionne la ou plutôt les cultures par le biais de la jeunesse d’aujourd’hui, métissée et plurielle, dans une transmission horizontale. »

Propos recueillis par Nathalie Yokel - Journal La Terrasse - 20 octobre 2018

Voir en ligne : Retrouvez cet entretien sur le site de La Terrasse

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