Touchée par les fées. Ariane Ascaride, une « fada » en terres théâtrales.
Photo : Louie Salto
Ariane Ascaride est une actrice dont la présence, toujours lumineuse, est un enchantement. Elle évoque dans ce délicieux seule-en-scène malicieux, écrit à quatre mains avec Marie Desplechin, ce qui a fait d’elle ce qu’elle est.
C’est avec ses valises qu’elle débarque sur scène. Des valises de souvenirs dont elle tirera photos de famille et costumes qu’elle mettra à sécher sur la corde à mémoire qu’elle a tendue au fond de la scène. Ariane Ascaride, c’est la comédienne révélée au grand public par Marius et Jeannette, le film de Robert Guédiguian sélectionné pour le Festival de Cannes en 1997. Au cinéma, pour Guédiguian, son mari, elle sera mise à toutes les sauces, et tournera pour d’autres aussi. Mais le théâtre ne la quittera jamais. Dans une écriture à quatre mains avec Marie Desplechin, elle remonte le temps pour évoquer ce qui l’a faite et, à travers les dé-faites, la force qu’elle a puisée pour aller de l’avant, encore et toujours. Le spectacle, commencé voici quinze ans, fait émerger, au fil des présentations qui se sont succédé dans le temps, ces bribes qu’on extrait de l’armoire aux souvenirs pour les organiser chaque fois différemment. Elle clôt, avec ce spectacle, le cycle des remémorations.
Baignée dans le théâtre
Que le père d’Ariane Ascaride soit un immigré napolitain ne compte pas pour rien dans l’installation du théâtre chez elle dès la prime enfance. Ceux qui connaissent Naples savent la part qu’occupent le chant et le théâtre dans cette ville où abondent les chanteurs de rues aux voix taillées pour l’opéra. Le théâtre, son père l’emporte avec lui dans les valises de l’exil. Il lui donnera une place de choix au sein de la famille et, toute petite, « Shirley Temple de la Canebière », Ariane Ascaride montera sur des planches qu’elle ne quittera pas. Elle évoque ces moments bénis des premiers apprentissages, non exempts cependant de travers et de désagréments, sous la houlette d’un père aussi volage qu’omniprésent et tyrannique.
Une histoire de famille
Pour Ariane Ascaride, creuser dans son passé est le moyen de trouver ce qui l’a faite. Faire revenir ces « héros du quotidien […] des êtres simples mais capables de croire aux fées, aux sorcières, aux anges » pour faire remonter la part de magie qu’ils lui ont transmise est un moyen de leur faire un signe par-delà le temps. Mais son propos ne la concerne pas seule. Il touche l’héritage « parfois drôle et fou, parfois un peu dur mais qui reflète la vie des femmes et des hommes qui laissent à leurs descendants des pépites d’or et des bouts de charbon. ».
Ainsi l’enfant « tombée de la Lune », sept ans après ses frères, se remémorera le bain « rouge natif » d’un père communiste qui trouvera un prolongement dans le credo théâtral qui l’anime. Elle réveillera en elle le souvenir de relations familiales calamiteuses : des parents qui ne s’adressent pas la parole et « des silences si violents qu’on voudrait des cris » ; un frère qu’elle compare – théâtre oblige – à Richard III et dont elle subira les agressions. Du viol qu’elle subit et surmonte, elle tirera une leçon théâtrale : elle a appris à s’« absenter » d’elle-même comme le comédien le fait pour jouer.
Faire l’ange
L’humour est au rendez-vous de ce spectacle qui commence par une galéjade sur son auto-nécrologie et passe, référence théâtrale incontournable, par Molière. La petite fille tyrannisée par son père quand elle jouait l’angelot et la « Barbie de son mari » au cinéma n’ont pas accepté que les tribulations du passé empêchent la comédienne Ariane Ascaride d’avancer. Après la « bouillabaisse révolutionnaire » dans laquelle elle a baigné, elle a choisi de rester fidèle à sa famille, à sa ville, à sa classe. Et surtout, au théâtre. « La vie sans le théâtre, c’est l’ombre de la vie. »
Sarah Franck - Arts-Chipels - 24 janvier 2025
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