Thérapies artistiques : Thierry Thieû Niang, masseur de l’âme
Portrait - Danseur et chorégraphe, Thierry Thieû Niang apaise, par son art, les séjours de patients aux pathologies lourdes.
Sur sa blouse blanche d’hôpital, il est inscrit « danseur chorégraphe ». Depuis deux ans, Thierry Thieû Niang, « bientôt 60 ans », est « artiste en résidence » à l’hôpital Avicenne de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Il pratique son art dans les services oncologie et hématologie, plus particulièrement auprès des patients en parcours de chimiothérapie. Pour les aider à appréhender ce moment, « critique », avec un autre regard, il fait ce qu’il sait faire le mieux : danser, « pour eux ».
Danser à l’hôpital, c’est « déplacer l’attention, déplacer la tension ». Il raconte que les patients lui disent : « Je n’ai plus eu mal, à tel ou tel endroit, en vous regardant. Soudain, j’étais léger, j’ai dansé avec vous. » Pour lui, « il y a, dans le mouvement, quelque chose qui redresse ». Toute personne est un être dansant. « L’enfant dans le corps de sa mère, c’est déjà un slow. »
La danse, une « rencontre »
Face aux patients, l’ancien soliste revendique donc « une danse partagée ». Sans gestes trop techniques ni rêves de grandeur. « Tendre une main, la poser sur un dos, tourbillonner, dans un rythme simple. » Il parle de la danse comme d’une « rencontre », même silencieuse. Épuisés par la maladie et la souffrance, les patients perdent parfois le goût et la force de parler. À Bobigny, avec sa population métissée, certains patients maîtrisent à peine le français. La danse devient langage et permet de faire le lien.
Au fil des rencontres, Thierry Thieû Niang a constaté combien « après ces mois étranges que nous venons de passer », les corps ont besoin de « se retrouver, de se toucher ». Sa présence se veut consolation, invitation à ralentir, relâchement d’un corps tendu. « Je ne suis pas médecin. Je ne répare pas, je ne soigne pas. Disons que je caresse l’âme. » Quelques fois, il s’aventure « plus loin » et, au-delà de la danse, propose aux malades de marcher avec eux, dans les couloirs. De les porter sur son dos, dans ses bras. Établir le contact, toujours.
« J’avais l’impression de tourner en rond »
Tout a commencé il y a plus de dix ans. « J’avais l’impression de tourner en rond. Si je voulais continuer à aimer danser, je devrais m’ouvrir davantage. » Il commence à danser avec des enfants autistes, des détenus, des personnes âgées, en gériatrie. « Mon vocabulaire chorégraphique s’est renouvelé. » Il danse pour les autres… mais pour lui aussi.
Thierry Thieû Niang le sait : le corps n’est pas seulement une enveloppe charnelle et virtuose. « Le corps souffrant, vieillissant interroge forcément le danseur que je suis », précise-t-il, interpellé par ce que ses rencontres lui ont appris sur la fragilité. « Nous sommes tous des êtres vulnérables, potentiellement malades. » Danser pour consoler, soulager : « C’est toujours très troublant d’avoir cette relation-là avec les patients. » Depuis peu, Thierry Thieû Niang commence d’ailleurs à l’éprouver d’encore plus près. « Mon père commence tout doucement à avoir besoin d’assistance. Récemment, j’ai dû l’aider à mettre ses chaussures. Et je me suis senti tellement maladroit. Il faut que je trouve la danse à danser avec mon vieux papa. »
Alice Le Dréau - La Croix - 18 octobre 2021
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