Les Sonnets de William Shakespeare
Mise en scène de Thierry Thieû Niang et Jean Bellorini – Projet avec de jeunes amateurs
Photo : Bruno Levy
Les Sonnets de William Shakespeare, traduction de Yves Bonnefoy, William Cliff, Pascal Collin, Jacques Darras, François-Victor Hugo, Jean-François Peyret, mise en scène de Thierry Thieû Niang et Jean Bellorini – projet avec de jeunes amateurs.
Jean Bellorini et Thierry Thieû Niang ont créé Les Sonnets en 2018, spectacle d’inspiration poétique shakespearienne avec 23 ados de Saint-Denis et alentour.
Savoir saisir l’esprit et le souffle du poète, non seulement à travers la clarté de ces voix et de ces corps dansants dans l’ombre et la lumière, mais encore en s’impliquant – corps et âme – dans l’eau bleue d’une piscine installée sur la scène.
Sensations et frissons assurés, individuellement et collectivement.
La scénographie et les lumières de Jean Bellorini font miroiter les mouvements légers de l’eau – surface lisse ou bien lisérés tremblants ou encore éclats et cassures sonores – avant que l’étendue aquatique ne retrouve son endormissement.
Puis, se jeter dans l’eau comme dans l’existence – goût vertigineux de liberté et de ses risques – un plongeon dans l’onde pure et sombre des Sonnets shakespeariens.
Quant au chorégraphe Thierry Thieû Niang, il a l’art de faire danser – non dans l’eau mais dans le volume aérien – les jeunes interprètes ravis – expression libre du corps.
Et souvent, dans l’ombre du lointain, tandis que se tient en bord de scène, l’eau lumineuse de la piscine, les danseurs évoluent, entre sauts, arabesques, figures libres, grâce leurs bras et leurs jambes en mouvements, un repli et une sortie de soi.
Dans sa préface à la traduction des Sonnets, Jean-François Peyret estime qu’il est tout autant légitime d’entrer dans l’œuvre shakespearienne par les Sonnets que par la voie royale de l’histoire des rois.
L’amour, la jalousie et la mort y sont pareillement présents, mais voués au renoncement.
Shakespeare fait l’épreuve, à travers la poésie miroitante des Sonnets – reflet de la piscine scénique, calme et silencieuse ou bruyante de ses fracas –, de l’extrême « volatilité » du moi, qui ne se ressaisit pas mais passe sans cesse d’un état à l’autre.
Le « je » rimbaldien est autre, pas « un autre », plusieurs autres : « l’atomisation, la fragmentation, l’auto-dévoration sont les moments de cette dépossession de soi ».
Par le chant pur, la musique de la harpe, la danse corporelle et la déclamation poétique juste et claire, sans parler de la création sonore de Sébastien Trouvé – cris d’enfants dans une cours de récréation ou à la piscine –, les interprètes seraient autant de « moi » que d’êtres touchés par la douleur de la passion amoureuses.
Des instants, des états d’âme divers, changeant et flottants, volatiles, tous sont là.
Se dégage un sentiment de mélancolie douce mêlé au bonheur de se savoir en vie : « Fatigué de tout ça, je veux quitter ce monde/ sauf que si je me tue, mon amour sera seul. »
Penser à l’être aimé, et ainsi les peines et les pertes et la tristesse s’en vont.
Le cœur est éloquent, même si l’amant, tel un acteur en scène qui ne sait pas son texte, saisi par le trac, se retrouve à côté de son rôle.
Le plaisir est d’apprendre à lire ce qu’en silence l’amour révèle sur les visages.
La nuit heureuse resplendit d’étoiles – moment où l’amant pense à l’aimé –, en liberté.
Mélody-Amy Wallet, assistante à la mise en scène, a su diriger cette troupe juvénile motivée, grâce à un projet ambitieux, il nous faut les citer avec le respect qui se doit :
Shaur Ali, Manuel Bouqueton, Maera Chouaki, Cassandra Da Cruz Ganda, Lana Djaura, Jonas Dô Huu, Esther Durand- Dessag, Loua El Shlimi Ali, Achille Genet, Jeanne Lahmar-Guinard, Léo Le Floch, Justine Leroux-Monpeurt, Jeanne Louis-Calixte, Ulrich Mimboe-Verdoni, Lisa Ndikita, Samir Quemon, Abou Saidou, Maïa Seassau, Jules Taillasson, Nara Trochet, Louis Jean-Pierre Valdes Valencia.
Magnificence d’autant d’étincelles que d’interprètes, via la poésie shakespearienne.
Véronique Hotte - Hottello - 24 novembre 2019
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