« Du Printemps », de la danse au vivre-ensemble
Peu importe qu’ils aient 12 ou 80 printemps, ils dansent « Du printemps ». Adolescents et seniors de Charleroi s’emparent de Stravinsky sous la baguette de Thierry Thieû Niang.
L’époque est plus que jamais propice aux « projets participatifs ». Avant le très attendu 100 % Bruxelles des Rimini Protokoll, qui rassemblera cent Bruxellois représentatifs de la capitale belge sur la scène du Kunsten Festival des Arts en mai, Charleroi-Danses expérimente également une passerelle entre culture et population locale avec Du printemps, une chorégraphie inédite dansée par des adolescents et des seniors amateurs sur Le sacre du printemps d’Igor Stravinsky. « Projet participatif », l’expression pourrait endosser une connotation un peu condescendante, évoquant le grand artiste éclairé daignant ouvrir les portes de sa tour d’ivoire au bon peuple, sauf qu’avec Thierry Thieû Niang aux commandes de ce spectacle printanier, on sait qu’on touche à une rencontre en toute simplicité, mais non moins de haut vol.
C’est qu’on a déjà vu le bonhomme à l’œuvre. Lui qui est habitué à travailler avec les plus grands – Patrice Chéreau, Dominique Blanc, Marie Desplechin – s’était déjà installé en 2012 sur un projet-quartier des Tanneurs, à Bruxelles, pour concocter Personne(s), spectacle intergénérationnel qui regroupait 21 participants du quartier des Marolles, enfants, jeunes ou seniors. « C’est plein de couleurs mais c’est intensément sobre, écrivait Le Soir à l’époque. C’est amateur mais ce n’est pas approximatif. C’est toutes générations confondues mais ce n’est pas brouillon. Chacun son rôle, chacun existe. Mouvement après mouvement, image après image, on se laisse bouleverser par l’utopie recréée sur le plateau, sans mièvrerie aucune. Par l’espoir véhiculé par des corps qui, pour certains, ont déjà tant vécu. Par des âmes qui, le temps d’une saison, se sont données à la danse. » Aujourd’hui, le chorégraphe français réitère l’expérience à Charleroi où il a convié des adolescents de 12 à 18 ans et des seniors de plus de 60 ans, des personnes que l’inexpérience et l’âge auraient pu ne jamais mener sur un plateau. « C’est pour moi une autre façon d’aborder la danse : j’expérimente plein de choses, avoue Thierry Thieû Niang. Ça fait plusieurs années que j’aime travailler avec des gens qui ne sont pas des praticiens de la danse. »
Un spectacle créé au Festival d’Avignon
Son credo ? Dévoiler d’autres codes de la danse, explorer des manières alternatives d’aborder le corps dans la danse. « Dans ces spectacles, la place du corps se réinvente. Qu’est-ce que c’est bouger en même temps ? Qu’est ce qu’on montre de soi ? Qu’est-ce qu’on cache ? Le vivre-ensemble est mis à mal aujourd’hui. A part dans la sphère familiale, et encore, plus rien n’est collectif aujourd’hui. Avant, dans les villages, pour les fêtes, les vendanges, on réunissait toutes les générations. Aujourd’hui, il n’y a plus d’espace pour cela. »
L’aventure du spectacle Du printemps a déjà elle-même quelques printemps au compteur puisqu’en 2011, Thierry Thieû Niang présentait au Festival d’Avignon une relecture du Sacre du printemps dansé avec vingt seniors amateurs entre 60 et 86 ans. Depuis, le metteur en scène continue de frotter cette œuvre centenaire à « la vraie vie », tout comme il a créé Au bois dormant avec une bande d’adolescents autistes. Explorant inlassablement les rapports entre individu et groupe, amateur et professionnel, création et vie quotidienne, Thierry Thieû Niang conjugue le corps au présent, tout simplement.
Catherine Makereel - Le Soir - 19 mars 2014
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