Condor : un lance flamme dans un lac gelé !

Condor

Photo : Jean-Louis Fernandez

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Le titre de la pièce de Frédéric Vossier fait référence à l’opération Condor : en 1975, les dictatures d’Amérique latine scellent une alliance secrète visant à l’anéantissement de toute subversion ou révolte potentielle, incarnées principalement par les mouvements ouvriers. Tortures, assassinats, seront la réponse au désir d’émancipation. Quarante ans plus tard, une femme appelle un homme au téléphone. Dès les premiers mots, on sait qu’ils se sont connus intimement. Que peut-on se dire après si longtemps ? Anne Théron met en scène une nuit de confrontation où ces deux personnages appartenant à des univers antagonistes vont se retrouver. Elle était du côté des opposant·e·s, lui a probablement été un bourreau…

Il fait sombre et l’atmosphère est froide et glaciale au cœur de ce bunker de béton armé, symbole d’enfermement, de claustration, de violence faite à la liberté de mouvement. Prison de l’esprit torturé des deux protagonistes. Le téléphone les fait se rejoindre, se retrouver : elle est au dessus de lui sur le ponton près d’un arbre. Il est dans son « garage » gris et froid, vide sans objet, ni meuble. Les questions se posent, les constatations pleines de suspicion, de doute, d’esprit de rancune et revanche. Elle souffre, traumatisée, prisonnière de troubles qui se manifestent par des salves d’images violentes, lumineuses comme une torture physique et morale, sortie de ce sac qu’elle tient serré sur son corps meurtri, recroquevillé. Avec elle, cet homme, partenaire ce soir là, cette nuit là, pour partager des moments cruels, menaçants où fusil, couteau sont fantasmes ou rêves cauchemardesques... Le trauma, « colonne vertébrale » de ce qu’écrit Frédéric Vossier est inscrit dans les corps des deux comédiens : Mireille Herbstmeyer et Frédéric Leidgens, tous deux marqués par ces personnages « monstrueux ». Gestes précis, millimétrés, micro-chorégraphie des poses et déplacements dont la justesse et le dosage sont l’œuvre de Thierry Thieû Niang, observateur de génie, traceur d’espaces habités, marqueur de territoire dans cette scénographie de l’enfermement. Anne Théron rend ici limpide et visible l’évolution des relations entre victime et bourreau, audacieuse mise en tension entre haut et bas, dégringolade de deux escaliers aux marches inégales, éclairages assombris, oppressant. Tout est juste et glaçant, suffoquant et médusant. La bande son y évoque par passages furtifs, des bruits de porte blindée qui grincent, des univers carcéraux implacables et frémissants d’horreur... Pour une tension tétanisante où jusqu’au bout les personnages se dévoilent, se questionnent, se regardent vieillir avec une touche d’humour noir salace. Des saynètes fondues au noir se succèdent pour mieux se trahir ou travestir une réalité enfouie, ressurgie.

Geneviève Charras - L’amuse-danse - 13 octobre 2021

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