La Douleur de Marguerite Duras

On tente le coup : aller voir un spectacle à Nanterre, à partir d’un texte de Marguerite Duras (pas théâtral, plutôt journal ou carnet de notes), mis en scène par Patrice Chéreau (qu’on aime bien), avec Thierry Thieû Niang (un chorégraphe attentif, formidablement ouvert aux autres), et interprété par Dominique Blanc une comédienne (une vraie, sans artifice). Sans baratin.
Mais on ne saura jamais si l’on a bien fait. Si le texte est à bien des égards bouleversant et pertinent dans ses analyses, surtout celle d’une Europe déchirée qui porte le mal endémique du fascisme et du nazisme, il est aussi très relié à une époque que tous rappellent de peur que l’oubli ne la raye de la carte. C’est une démarche estimable et très pédagogique, mais on se sent engoncé comme dans un vêtement rétréci. C’est à cette seule horreur de la guerre, des camps, transmise sans baratin et d’une manière intime par Marguerite Duras, qu’il faudrait se tenir pour comprendre la Douleur. Ce qui est restrictif, bien que Marguerite Duras offre cette douleur, à la différence de Camille, la chanteuse qui la prend.

On est perplexe.

Après en avoir fait une lecture, Patrice Chéreau passe à la mise en scène. Le parti pris est celui de la simplicité. Le plateau est occupé par une table et de simples chaises, peu confortables. Dominique Blanc va de l’un à l’autre de ces objets, qui représentent l’attente, l’inconfort, l’impatience. Le visage reflète la colère, les crispations ou l’hébétude. Dominique Blanc, franche et ardente, sert avec amour le texte. Patrice Chéreau n’en rajoute pas et Thierry Thieû Niang semble chercher une faille pour introduire un corps qui pourrait chavirer, dire l’oubli.
Marguerite Duras ne se souvient d’ailleurs pas d’avoir écrit ce récit autobiographique dans lequel elle espère le retour de Robert L. (Robert Antelme, son mari déporté dans un camp allemand qui ne reviendra qu’après la Libération). Déballage. Le corps ici est sous contrôle, gêné aux entournures. Il a la fonction de dire l’indicible et c’est sans doute cela, se « tenir droit », qui nous paraît usé, qui décourage.

Tant de bonne cons-cience, tant de corsages, tant d’humilité ne concordent pas avec l’idée du début du spectacle de déballage, en l’occurrence celui du sac à main de la dame, presque une valise. Enfin, avant le noir final, un mot prononcé par Robert L. dit « j’ai faim », qui sonne l’heure de se mettre à table. On peut relâcher.

Marie-Christine Vernay - Décembre 2008

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