« La Douleur » au TNP : Dominique Blanc, voix tourmentée et sublime de Marguerite Duras

La Douleur

Photo : Simon Gosselin

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Jusqu’au 9 octobre au TNP, Dominique Blanc reprend son rôle dans La Douleur de Marguerite Duras, une pièce créée en 2008 par Patrice Chéreau et Thierry Thieû Niang. Un texte qui raconte les jours qui ont suivi la libération des camps de concentration en 1945. Une interprétation magistrale de la comédienne qui tentent de maîtriser par une gestuelle contenue et pleine de grâce, la violence des mots.

C’est un rectangle imaginaire d’une vingtaine de mètres carrés tout au plus. Un espace qui semble minuscule au milieu de l’immense scène dépouillée du TNP. Une table, des chaises. Mais rien, physiquement, ne le délimite vraiment. Juste peut-être l’esprit de celle qui s’y meut et qui n’arrive pas franchir les barrières fictives de cette cellule mentale.

Elle nous renvoie à l’univers carcéral des camps de concentration. À travers la voix de la comédienne Dominique Blanc, Marguerite Duras tente de raconter l’indicible. La souffrance de l’attente face au retour hypothétique de son compagnon Robert Antelme, poète et résistant déporté en 1944.

Tout d’abord, à la manière d’une lecture de journaux relatant des faits historiques qui lèvent peu à peu le voile sur l’horreur des camp de la mort alors que la guerre touche à sa fin. Dominique Blanc - double de Duras - peine à s’interrompre. Le récit est énergique, le rythme de la parole soutenu et la violence des mots se fait sentir en même temps que l’angoisse augmente.

L’art de trancher dans le vif des mots qui ne craignent pas l’impudeur

Le texte nous empoigne, en nous emmenant sur le fil du rasoir. Celui qui sépare la vie de la mort et l’espoir du désespoir. Il nous jette en pleine face l’horreur de la guerre et son inhumanité, mêlant dans un flot de paroles les diatribes politiques, le ressentiment, ou les descriptions insoutenables d’un corps décharné.

On connaît le style de Marguerite Duras. Une plume minimaliste, l’art de trancher dans le vif des mots qui ne craignent pas l’impudeur. Encore plus ici, quand ils servent à convoquer les souvenirs de manière quasi autobiographique.

Ce texte, Dominique Blanc le connaît bien. On peut même dire qu’elle vit avec depuis 14 ans, quand Thierry Thieû Niang l’a proposé au metteur en scène Patrice Chéreau en 2008. Tous deux s’en sont emparé en lui offrant ce rôle qui lui a valu le Molière de la meilleure comédienne.

Minimalisme gestuel

Le chorégraphe, dont le père est vietnamien, reconnaît avoir été marqué par L’Amant ou Un barrage contre le Pacifique - récits autobiographiques de « l’indochinoise » Marguerite Duras. Il reprend ici seul la mise en scène.

De ce texte tranché et scandé par la voix intense de Dominique Blanc, Thierry Thieû Niang cherche à construire un minimalisme gestuel.
Les mouvements de la comédienne sont précis, contenus. Comme s’il fallait que le corps retiennent la douleur des mots.
Et dans cet exercice, Dominique Blanc est juste magistrale. Un peu comme si pendant toutes ces années elle avait porté la douleur de son alter ego, pour la restituer avec une émotion intacte.

Mathieu Thai - Lyon Capitale - 6 octobre 2022

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