Avignon : histoires d’enfance

Chaque festival génère ses histoires secrètes. Avignon met ouvertement en avant le thème du genre qui va se décliner en plusieurs spectacles. Du in au off, l’enfance est un autre fil conducteur non moins précieux. D’une héroïne racinienne à Thierry Thieû Niang en passant par l’affiche du festival et la belle-fille d’un acteur bien connu.

- Quand les enfants dansent

On peut voir la toile originale (260X190 cm) à la collection Lambert parmi les toiles et céramiques de Claire Tabouret regroupées sous le titre « Les veilleurs ». Dans l’une des monographies qui lui ont été déjà consacrées (elle n’a que 35 ans), l’artiste raconte avoir eu un premier choc à quatre ans en voyant les Nymphéas de Monet. Tout se passe comme si, aspirée par ce tableau de grande dimension, elle s’était engloutie dans ses eaux peintes et que devenue grande, elle reviendrait, avec ses yeux de noyée, peindre ces toiles où les enfants ont des visages verts et tristes que l’on voudrait prendre pour des masques. Ce sont des « fantômes », de « revenants » diront les enfants, là haut.

On chemine parmi les différentes expositions de la galerie Lambert, et c’est en haut que l’on croise ces visages blafards d’enfants dans une grande salle blanche où sont accrochés d’autres « veilleurs ». la salle pépie d’enfants, bien vivants eux. Une centaine. Beaucoup sont assis, et regardent les autres qui devant eux bougent, courent, sautent, trébuchent, se relèvent, se touchent, s’enveloppent l’un dans l’autre. Un homme - je reconnais le danseur et chorégraphe Thierry Thieû Niang - danse avec un enfant une menue métis gracile. Ils s’arrêtent parfois devant une toile mais jamais longtemps. Leurs corps, leurs regards se comprennent . « C’est la première fois que je danse avec elle » dit-il dans ce demi sourire qui ne quitte presque jamais son visage. Étrange dialectique entre ces toiles pleines de mort et ces enfant si plein de vie.

Thierry Thieû Niang et Fabien Almakiewicz ont mené durant cinq jours un atelier parmi les toiles de la fondation Lambert avec des enfants des écoles Massillargues (CE1-CE2), Saint Gabriel (CMI-CM2) et Grands Cyprés A (ULIS) dans le cadre du projet « EGIRO, grandir grâce à l’art ». Le dernier jour était suivi d’une restitution publique c’était aussi le premier jour du festival. Thierry Thieû Niang est resté à Avignon où, Anne Alvaro, Nicolas Daussy et lui, reprennent leur beau spectacle Voici mon cœur, c’est un bon cœur dans le off.

A la librairie de la galerie Lambert ou ailleurs on peut aussi se procurer Au bois dormant, un livre que le chorégraphe a écrit avec un ouverture de Marie Despleschin. Il y évoque avec une douce acuité son travail auprès d’enfants handicapés physiques ou mentaux. « Avec ces enfants, le seul mouvement qui peut résister est celui du vivant comme celui de la trace d’un poème » écrit-il. Il parle de Célia, d’Arnaud ou encore de Victor : « je cours sur son ombre projetée au sol. Je la contourne, je la borde, je la traverse, il y a toujours un corps qui fait de l’ombre à un autre corps ».

Jean-Pierre Thibaudat - Médiapart - 9 juillet 2018 - Enfance de Claire Tabouret - Photos Rebecca Fanuelle

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